Qui n’a jamais rêvé de conduire une voiture de course ? Passée en youngtimer avec toute l’audace qui la caractérise depuis sa conception, la R12 Gordini fête ses 50 ans et n’a pas pris une rayure. Quelle est la légende derrière ce joli bolide bleu strié de blanc dont l’allure excite l’imagination du plus tranquille des conducteurs ? Révolution sportive malaimée dans ses premières années, la R12 Gordini tient depuis sa revanche et ne cesse de gagner de nouveaux fidèles : youngtimer dédiée à la vitesse, elle est aussi l’incarnation faite de tôle d’un rêve de gamin.
Gordini, la légende du Sorcier venu d’Italie
Celui que le milieu a surnommé Le Sorcier nous est venu d’Italie dans les années d’entre-deux-guerres. Né Amedeo Gordini en 1899, il se passionne très jeune pour l’automobile et rêve de travailler en France. Renault, Citroën, les pionniers de l’Automobile française l’attirent à Paris où il débute comme employé dans de petits garages de banlieue.
Dès les années 1930, il commence à exprimer sa passion mécanique et un génie promis au succès. Il améliore notamment des moteurs Fiat fabriqués en France sous licence Simca. Les performances sur circuit des Simca 5 et Simca 8, dont il fait personnellement la démonstration aux 24 Heures du Mans, lui apportent la notoriété espérée. Il participe ainsi aux :
Bol d’Or de 1938 et 1947 ;
Rallye Monte-Carlo en 1939 ;
24 Heures du Mans de 1939 ;
Grand Critérium International de Tourisme Paris-Nice en 1938.
Participant, initiateur de records et parfois vainqueur, Gordini prouve non seulement ses talents de pilote, mais surtout son savoir-faire technique.
À la suite d’années de conceptions sous son seul nom, essentiellement pour les courses et les rallyes, Gordini s’associe avec Renault. Cette reconversion débutée en 1956 donne corps à plusieurs modèles devenus iconiques, des légendes youngtimers :
La R8 (1964-1970)
La R12 (1970-1974)
La R17 (1974-1978)
L’Alpine Gordini
Remplacer la R8 Gordini : une mission manquée ?
Dès ses débuts, le tandem Renault-Gordini fait des merveilles avec la R8 Gordini dont le succès ne se démentira pas avec les années. Rapidement devenue la coqueluche des coureurs automobiles amateurs, c’est un modèle qui étonne et remporte tous les suffrages sur les circuits comme dans le cœur du public.
Pourtant, en 1970, le défi est lancé : façonner une remplaçante à la R8 Gordini. L’audace du Sorcier va surprendre une nouvelle fois et même déplaire fortement aux ardents adeptes de celle qui ne sera plus fabriquée. La R12 Gordini prend en effet le contrepied de sa prédécesseure, au grand dam des admirateurs du style Gordini !
Si l’on compare les deux modèles, le pari est osé :
R8 Gordini :
Moteur arrière avec propulsion
Équipée initialement d’un moteur de 1 108 cm³ développant 95 ch, puis d’un moteur de 1 255 cm³ avec 110 ch
Carrosserie compacte avec une silhouette carrée, typique des années 60
Conduite très sportive et nerveuse, avec une tendance au survirage due à la propulsion
Freins à disque sur les quatre roues, une innovation marquante de son époque
Très populaire dans les rallyes et les courses de côtes, notamment grâce à la Coupe Gordini
R12 Gordini :
Moteur à l’avant et traction avant
Utilise un moteur Cléon-Alu 4 cylindres de 1 565 cm³ développant 113 ch
Carrosserie plus grande et plus aérodynamique, avec une ligne plus moderne digne des années 70
Conduite plus stable et prévisible grâce à la traction avant, donc moins « joueuse » que la R8
Freins à disque ventilés à l’avant et freins à disque à l’arrière
Utilisée principalement dans la Coupe Gordini des années 70, elle est moins emblématique que la R8 Gordini
De nos jours, le nom seul de Gordini suffit à qualifier un modèle de petite merveille, digne de la légende du Sorcier et sa R12 a fini par conquérir ses fidèles.
La R12 Gordini, une youngtimer légendaire
La R12 Gordini est une version sportive de la Renault 12. Présentée sur le circuit du Castellet en 1970, elle s’impose d’emblée comme une voiture dédiée à la course automobile. Le dessin modernisé de ses lignes, sa couleur Bleu France 418 caractéristique et ses bandes blanches l’identifient entre toutes. Les petites modifications et ajouts apportés au fil des années de fabrication lui assurent un cachet unique :
Phares antibrouillard longue portée fixés à la proue
Suppression des boucliers chromés avant et arrière pour alléger encore la voiture
Jantes en tôle de 13″
Instruments face conducteur réduits à une batterie de jauges analogiques et un compte-tours
Volant sportif 3 branches
Sièges sport issus des R12 TL et TS classiques
Deux carburateurs Weber double corps
Culasse en aluminium
Boite de vitesse manuelle 5 rapports
Trains roulants renforcés avec barre antiroulis
Roues indépendantes, liées au châssis par des amortisseurs hydrauliques dignes du génie Citroën
Jusqu’à 185 km/h
Ajouts tardifs : ventilateur électrique débrayable et prise d’air sur le capot pour maximiser le refroidissement
Petit point noir : même pour une sportive, la R12 Gordini est très gourmande en carburant, élément essentiel à connaître pour tout collectionneur.
La R12 Gordini, une voiture née pour les circuits
Saluée pour ses performances sur tous les grands circuits de son temps (ex : Rallye Monte-Carlo Historique), la R12 Gordini brille surtout lors de la Coupe Gordini entre 1971 et 1974. Créée pour permettre aux jeunes pilotes de se faire connaître, cette compétition est aussi une vitrine de choix pour les créations du maître.
Elle est alors ouverte à tout coureur automobile amateur que seul le talent distingue puisque toutes les voitures, uniquement des R8 ou des R12 Gordini, sont identiques tant en termes de préparation que de performances. C’est à ce titre que les 126 premiers exemplaires de la R12 Gordini sont dévolus à la compétition, expliquant le dépouillement extrême d’un habitacle pensé pour la concentration du pilote. Tremplin pour de nombreux pilotes, la Coupe Gordini façonne aussi la légende du Sorcier, de la R8 et de la R12 Gordini, voitures de course françaises par excellence.
Passé les réticences et critiques qui ont malmené cette sportive au lourd héritage, la R12 Gordini a fait la preuve de ses qualités. Au contraire de la R8 Gordini, pas besoin d’être un conducteur expérimenté au potentiel de pilote de course pour s’amuser comme il se doit. La R12 Gordini pardonne bien des maladresses et se révèle une véritable alliée sur la route. Mieux encore, son allure unique la désigne comme une youngtimer rare qu’un seul regard suffit à identifier.
Des prix qui s’envolent
Si les prix de la R8 Gordini en font une denrée rare et coûteuse, la petite désaffection dont a souffert la R12 Gordini en permet aujourd’hui une approche plus facile pour les amoureux d’anciennes. Néanmoins, l’exception marquée par ses seuls 5 188 exemplaires fabriqués, et la popularité grandissante des youngtimers en général et des merveilles signées Gordini en particulier, influent sur une cote qui ne cesse de monter.
Tenté par l’aventure youngtimer à bord d’une R12 Gordini ? Veillez à vous armer de bonnes références et connaissances, car beaucoup de modèles ont souffert de leurs aventures sur les circuits.
Les légendes ne meurent jamais, glissent sur les critiques et s’installent durablement dans la culture populaire. C’est ainsi que la R12 Gordini a dépassé les clivages pour s’imposer comme une youngtimer sportive à suivre et à s’offrir. Œuvre d’un maître qui dédia toute sa passion à la course automobile, c’est une jolie merveille qui fait sensation dès que l’on pose les yeux sur ses lignes franches. Motorisation farouche, conduite souple : l’aventure youngtimer en Gordini vous tente ?
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